« Vers la fin de mars, il se remit aux mathématiques, mais les
H.P. Lovecraft dans « La maison de la sorcière »
autres matières l’ennuyaient de plus en plus. Il s’était découvert
un don intuitif pour résoudre les équations riemanniennes, et
stupéfiait le Pr Upham par sa compréhension des problèmes de
la quatrième dimension et d’autres qui laissaient sans voix tout
le reste de la classe. »
L’hypothèse de Riemann
Les problèmes du prix du millénaire sont aujourd’hui des problèmes mathématiques particulièrement complexes au point qu’un prix d’un million de dollars est promis à quiconque résoudra l’un d’eux.
C’est sur l’un de ces problèmes que travaillait Walter Gilman dans « La maison de la sorcière » (The Dreams in the Witch House). La vieille Keziah Mason avait-elle déjà résolu ce qui deviendra un problème du millénaire?
Le problème sur lequel travaillait Gilman est l’hypothèses de Riemann – du mathématicien Bernhard Riemann. Grâce aux équations riemaniennes, Gilman a pu voir, dans les angles non-euclidiens de son appartement, des portes vers d’autres dimensions.
Le problème exact, tel que posé par l’institut Clay qui offre la récompense, est en lui-même trop complexe pour être utilisé dans un contexte de jeu de rôles à moins d’avoir les joueurs les plus geeks du monde.
« la fonction discrète J(x) définie pour x ≥ 0, qui est définie par J(0) = 0 et telle que J(x) saute par bonds de 1/n à chaque puissance de nombre premier pn (autrement dit, entre deux puissances de nombres premiers pm et qn, J est constante, et J(qn) = J(pm) + 1/n) »
Bernhard Riemann
Mais il y a, parmi toutes les équations qui découlent de la fonction zêta de Riemann, un énoncé assez intéressant puisqu’il est tout à la fois facile à comprendre et quasi-impossible à assimiler.
1 + 2 + 3 + 4 + 5 + … = -1/12
La sommes de tous les nombres entiers est égale à -1/12
Peut-être que si aucun mathématicien n’a résolu ce problème particulier de Riemann, c’est qu’ils ont tous perdus la raison en essayant?
« Le calcul non euclidien et la physique quantique suffisent à fatiguer n’importe quel cerveau ; et quand on y ajoute le folklore, en essayant de déceler un étrange arrière-plan de réalité à plusieurs dimensions sous les allusions morbides des légendes gothiques et les récits extravagants chuchotés au coin de la cheminée, peut-on s’attendre à éviter le surmenage intellectuel ? »
H.P. Lovecraft dans « La maison de la sorcière »
La géométrie non-euclidienne
Les auteurs du Mythe de Cthulhu adorent référer à la géométrie non-Euclidienne. ¨Ça évoque en nous, les lecteurs, des formes étranges, des dimensions inconnues. En réalité, c’est plus simple.
Euclide d’Alexandrie est un mathématicien de l’antiquité (actif vers -300) surtout réputé pour avoir exposé les bases de la géométrie. Son livre, Éléments, décrit ce que l’on appelle la géométrie euclidienne, qui expose une série d’axiomes et de notions concernant les plans. Seulement les plans.
Un plan est une surface plate. Si vous dessinez un triangle sur une feuille de papier, vous venez de tracer un triangle euclidien. Si vous aviez dessiné votre triangle sur une sphère, vous auriez tracé un triangle non-euclidien! Faites attention sur quoi vous dessinez vos triangles.

Les sens de l’être humain ne lui permettent de percevoir que trois dimensions. Ça ne veut pas forcément dire que des dimensions supérieures n’existent pas et ça n’empêche surtout pas aux mathématiques de les considérer.
Ainsi, s’il est possible de calculer l’aire d’un triangle sur une forme tridimensionelle quelconque grâce à la géométrie non-euclidienne, il n’y a pas de raison de ne pas pouvoir, par exemple, calculer l’aire d’une surface tridimensionelle tracée sur une forme quadridimensionelle.
Parmi les diverses géométries non-euclidiennes, citons la géométrie hyperbolique – découverte par accident en voulant faire la preuve par l’absurde que la géométrie euclidienne était fondamentale – et retrouvons encore notre ami Bernhard Riemann puisqu’il est le créateur de la géométrie riemanienne. Cette géométrie particulière concerne l’espace-temps lui-même et c’est d’elle que sont sorties des théories comme celle de la courbure de l’espace et les sauts dans l’hyperespace. La géométrie riemanienne est une géométrie cosmique.
La physique quantique
Dans la maison de la sorcière, les compétences requises par Gilman pour arriver a comprendre les étranges angles sa chambre incluent aussi la physique quantique.
Cette physique est celle de l’infiniment petit. On ne parle même pas des atomes mais des particules qui les constituent. Quand on atteint cette petitesse, les choses deviennent étranges. Les lois de la physique normale, la gravité tout le bazar, cesse complètement de s’appliquer et les particules font des choses impossible comme se téléporter ou être à deux endroits à la fois. Quand on arrive à ce niveau, les lois de la physique normale sont mises de côté et remplacés par les lois de la physique quantique (qui ne sont pas encore bien comprises).
Au niveau d’un maître de jeu, l’intérêt de la physique quantique est la méconnaissance du sujet. Ça permet d’inventer pleins de trucs! L’adjectif « quantique » rend le mot qu’il accompagne plus complexe et plus mystérieux et l’enrobe dans un halo de scientisme.
« Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu’à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel âge de ténèbres. »
H.P. Lovecraft dans « L’appel de Cthulhu »
La quatrième dimension
La compréhension de l’hypothèse de Riemann en conjonction avec sa géométrie et les lois de la physique quantique, permet d’ouvrir des portes vers la quatrième dimension. Reste à savoir c’est quoi la quatrième dimension.
Une dimension, c’est une direction dans laquelle il est théoriquement possible de se déplacer.
Dans un monde a une seule dimension, il ne serait possible de se déplacer uniquement de gauche à droite.
Dans un monde a deux dimensions, il est possible de se déplacer de gauche à droite ou de haut en bas.
Dans un monde à trois dimensions, il est possible de se déplacer de gauche à droite, de haut en bas ou d’avant en arrière.
Dans un monde a quatre dimensions, il serait possible de se déplacer de gauche à droite, de haut en bas, d’avant en arrière ou dans une autre direction inconnue et mystérieuse.
C’est par l’étude des mathématiques riemaniennes que l’on arrive à détecter, mathématiquement, la direction étrange de la quatrième dimension. Les mathématiciens modernes ont nommés les deux sens de cette quatrième direction ana et kata.
Si une créature vivant dans un univers a quatre dimensions en venait à traverser le nôtre qui n’en a que trois, que verrions nous?
Si nous faisions passer une sphère dans un monde en deux dimensions, les créatures bidimensionnelles qui habitent ce monde verraient d’abord un point puis une succession de cercles de plus en plus grand, puis qui rapetissent pour enfin redevenir un point et disparaitre.

De même, si une hyper-sphère de la quatrième dimension traversait notre monde tri-dimensionnel, nous verrions une succession de sphères de plus en plus grosse, puis de plus en plus petites et puis plus rien.
Si une hyper-hyper-sphère de la cinquième dimension traversait notre monde, une série de sphères grouilleraient devant nos yeux, un « conglomérat de globes iridescents toujours fluctuants, s’interpénétrant et se brisant »
Yog-Sothoth connaît la porte. Yog-Sothoth est la porte. Yog-Sothoth est la clé et le gardien de la porte. Le passé, le présent, le futur, tous sont un en Yog-Sothoth.
H.P. Lovecraft dans « L’Abomination de Dunwich »
Le folklore
Jusque là, on a parlé de choses concrète, scientifiques et mathématiques. Si on y ajoute le folklore, en essayant de déceler un étrange arrière-plan de réalité à plusieurs dimensions sous les allusions morbides des légendes gothiques et les récits extravagants chuchotés au coin de la cheminée, les choses se compliquent un peu. Ou pas.
A priori, la rigueur scientifique s’oppose assez formellement au folklore et aux histoires de coins de la cheminée. Il existe bien la parapsychologie (qui regroupe des sciences, mais aussi des pseudo-sciences) qui s’intéressent à l’investigation et la compréhension des phénomènes dit paranormaux.
Le plus souvent, malheureusement, les spécialistes de la parapsychologie sont des charlatans préoccupés principalement par la vente de leurs livres. Les véritable chercheurs s’en retrouvent sous-financés et ils peinent à obtenir de la crédibilité. De ces chercheurs, les rares qui osent explorer l’avenue des équations et de la géométrie riemanienne et la physique quantique en perdent tous tôt ou tard la raison.
Les créatures folkloriques: les fées, les elfes les lutins et les apparitions modernes, fantômes, poltergeist, peuple des ombres, ne seraient-elles que le pâle reflet de créatures effroyables vivant dans des mondes pluri-dimentionels que nous ne sommes pas à même de percevoir dans leur globalité?